HIGH RISE

 

Improjazz - n°53 - Mars 1999 :

High Rise est un groupe japonais, de Tokyo, un groupe culte dont on n"a pratiquement jamais parlé dans la presse française. Or, sur le Japon, on écrit presque toujours sur les mêmes (ou sur leurs satellites) : Aube, Boredoms, Keiji Haino / Fushitsusha, Ruins, Merzbow, Otomo Yoshihide, Zeni Geva (il est toujours plaisant de les voir cependant) mais peut-être est-ce dû au fait que tous ces groupes ont déjà tourné en France (à l"exception des Boredoms, mais ceux-ci étant les seuls à être signés sur Wea, forcément, ça aide...). Néanmoins, on peut se demander si la reconnaissance d"un groupe ne se mesure pas dans ce pays au nombre de concerts donnés ! Ne devrait-on jamais s"interesser par exemple à des artistes comme Kousokuya, Overhang Party, 54-71, Guitar Wolf, Tamio Shiraishi ou encore Masayoshi Urabe parce qu"ils n"ont jamais joué ici! Alors, vivement qu"ils viennent et qu"on n"en parle plus ! Pour en revenir à High Rise, ils ont effectué leur première tournée hors du Japon (USA, UK) en octobre/novembre dernier pour célébrer leur 15e anniversaire avec une date unique à Paris (le 3 novembre) pour une centaine de veinards ! Un bon prétexte...so, let"s go !

High Rise est véritablement le groupe de AsaHito Nanjo (basse, vocaux) et de Munehiro Narita (guitare) ; les deux seuls présents sur tous les albums depuis le début en 1983. Pour les origines, revenons un peu en arrière : Nanjo coomence à jouer de la guitare à la fin des anées 70 sous l"influence de la scène punk de Tokyo, à partir de 75 (Sambunnosan, Friction, Lizard, S-Ken...), du jazz impro (Lost Aaraaff) : le premier groupe de Keiji Haino), du psych/folk (Les Rallizes Dénudés), de la scène No New York (DNA, Teenage Jesus, Mars...), des groupes US psychédéliques (13th Floor Elevators, The Fugs, Red Crayola...) et des bandes originales de films. Du pur punk avec son premier groupe Red Alert (1979), il va ensuite évoluer dans la recherche d"un son plus construit grâce à des rencontres déterminantes (selon lui) comme Lapis (Friction), Keiji Haino (Fushitsusha), Tori Kudoh (Maher Shalal Hasz Baz), Michio Kadotani (Rotting Telepathys), Jutoku Kaneko (Kousokuya), Harumi Yamazaki (Gaseneta) et Tamio Shiraishi (TK, Fushitsusha). Cela se traduit par de nombreuses expérimentations studio, improvisations live, et plus concrètement en essayant d"incorporer à partir d"un son punk basique l"univers de la musique jazz, contemporaine et psychédélique comme peuvent en témoigner les nombreux autres groupes suivants (souvent éphémères) : Conformist, Deaf and Dumb House, Virus Freak, I"m useless, Rotting Telepathys, Kousokuya, jusqu"en 1982, formation de Psychedelic Speed Freaks. Narita, de son côté, apprend à jouer de la guitare en autodidacte influencé par le jeu de Mike Bloomfield et James Garley. La preuve, encore une fois, qu"il n"est pas nécessaire de payer des cours pour devenir un bon guitariste, lisez plutôt ce que dit le journaliste anglais Alan Cummings : "Monster power-riff distortion king-hitter, Munehiro Narita is one of the heaviest psychedelic rock guitarists in the world", rien que ça ! Il écoute aussi les groupes psychédéliques (Syd Barrett, Velevet Underground...) mais il est plus sensibilisé par le free-jazz : Masayuki Takayanagi, Tamio Shiraishi... et surtout très marqué après avoir vu un concert de Kaoru Abe. Narita : "I was amazed at what he was able to do on an alto sax, just a normal instrument that anyone could play. I realized that it was possible to do amazing stuff on normal instruments". Au début des années 80, il joue dans un groupe de rock improvisé, Kyoku No Intention, où il expérimente son jeu en utilisant les effets (la fuzz et la wah-wah bien sûr !), puis il devient membre de Kousokuya, Taco et Psychedelic Speed Freaks.

Psychedelic Speed Freaks est alors composé par Mitani (basse), Takahashi (drums), Narita (guitare) et Nanjo (guitare). Mitani partira peu après, laissant un trio ou Nanjo prendra la basse. Toutes les bases sont là avec ce nom emblématique : Psychedelic Speed Freaks (et titre d"un de leurs morceaux qui deviendra leur standard, joué à tous leurs concerts) qui définit parfaitement leur style musical : un son qui accélère jusqu"à l"extrême comme un moteur de Harley en sur-régime. Narita : "That sound was strongest at the beginning, I mean, we"ve credited the guitar as motorcycle fuzz tone". Lors de l"enregistrement du premier album, ils changent de nom, remplaçant Psychedelic Speed Freaks par High Rise (tiré d"un livre de J.G. Ballard) à la demande du label PSF, trouvant celui-ci trop direct mais gardant les initiales pour le nom du label. High Rise est donc à l"origine de PSF (ou vice-versa), label dirigé par Hideo Ikeezumi, qui sera en quelque sorte leur label "privé" entre 1984 et 1987, puisqu"il était le seul groupe à y être signé, avant que celui-ci ne change d"orientation en produisant d"autres artistes : Fushitsusha, Kan Mikami, Motoharu Yoshizawa, Chie Mukai, etc... PSF compte aujourd"hui plus de 100 références dévouées pour la plupart aux artistes nippons, et s"affirme incontestablement comme l"un des labels les plus importants au Japon depuis les années 1980 de par la grande qualité des musiciens présents (Haino, Abe, AMM, etc...).

1984: High Rise sort son premier album en vinyl Psychedelic Speed Freaks (PSF-1), limité et numéroté à 300 exemplaires. Titres: "Induced Depression. Psychedelic Speed Freaks. Stone Addict. Take a Trip". Le disque est assez court (30 minutes à peine) mais vraiment intense, underground, violent, avec déluge de wah-wah fuzz, saturations, speed... Le son High Rise est balancé. Ils ont trouvé leur son, un son unique qui sera leur marque de fabrique. NB : l"album n"est pas réédité en CD, mais a été piraté en vinyl par Public Pop Can (USA) en 1993 (avec un son pourri).

1986: High Rise 2 sort lui aussi en vinyl (PSF-2) limité à 500 copies. Titres : "Cycle Goddess. Turn You Cry. Cotton Top. Last Rites. Wipe Out. Pop Sicle". Réédité en CD (38 mn) sur PSF en 1993 avec 2 bonus tracks : "Monster A Go Go. Induced Depression". NB : la pochette du CD est différente de celle du LP, ainsi que le mixage.

1992: 3e album Dispersion et premier CD sur PSF (PSF-26). Titres : "Outside Gentiles. Nuit. Sadducces Faith. Sanctuary. Eucharist. Mainliner. Deuteronomy" (59 mn).

1994: 4e album Live CD (PSF-48). Titres : "Sadame. Ikon. Mira. Outside Gentiles. Door. Mainliner. Pop Sicle" (47 mn).

1996: 5e album Disallow CD (PSF-78). Titres : "Disallow. Whirl. Sadame. Ikon. Grab" (34 mn).

1997: 6e album Psychedelic Speed Freaks ®84-"85 LP (édition limitée en picture-disc) et CD (Time Bomb-48). Titres : "Make a Motion. Acid song. Induced Depression. Like Death. Last Rites. Psychedelic Speed Freaks. Cycle Goddess. Pop Sicle" (27 mn). NB : il s"agit là d"enregistrements datant de 1984-1985 avec quelques titres inédits (un document de la première époque, utile, à moins de se ruiner pour avoir le premier album, épuisé et collector).

1998: 7e album Desperado CD (PSF-99). Tires : "Git. Desperado. Right On. Flam. Effing. Mind bending. Skive" (34 mn).

Tout au long de ses 15 années d"existence, High Rise s"est toujours heurté à des sérieuses diffulcultés pour trouver un batteur stable. Ce handicap a certainement pesé lourd, à quelques moments de leur histoire, quant à cette idée d"unité ou de cohésion musicale qui leur aurait peut être permis de gravir les échelons plus vite. High Rise a ainsi été contraint à de nombreux changements : Yuro Ujiie (ou Dr Euro) a remplacé Ikuroh Takahashi juste après le premier album, ensuite arrive Pill (Lip Cream, Ogreish Organism, Keiji Haino) à partir de Disallow et enfin le batteur de free-jazz Shoji Hano (Poly Breath Percussion Band, Peter Brötzmann, Keiji Haino) qui forme le nouveau line-up pour Desperado. Voilà pour les principaux, sans compter la courte apparition de Tatsuya Yoshida (Ruins) pour un soir juste avant Dispersion et de Koji Shimura (White Heaven) pour quelques temps à cette même période. Quelles en sont les raisons ? Nanjo : "That"s because High Rise rhythm is very difficult to play. It"s not just hard-core punk - that"s what"s Pill told us when he was in the band. You"ve got to be able to play certain unique phrases at very high speed while still thinking and listening to what everyone else is doing. It demands a hell of a lot of technique and physical energy". Le son de High Rise qui, en dehors des effets indirects de ces pertubations, a naturellement évolué au cours de leur discographie, peut se résumer brièvement en ces termes : l"énergie et la maturité du 2, la finesse du jeu et la subtilité des compositions de Dispersion en passant par le psychédélisme sauvage du Live et les lourds assauts soniques de Disallow, jusqu"au rock-free-jazz endiablé de Desperado où l"apport de Shoji Hano est étonnant (écoutez le titre "Effing") démontrent qu"High Rise prend toute sa dimension dans cette notion d"électricité (amplification), au même degré d"exacerbation que Fushitsusha par exemple. Nanjo : "There"s an image of bigness and loudness, of stacking up the Marshall"s when you play live - we wanted to embody all of that. I think that we"re probably unique in that, our loudness isn"t just because of the size of the amps". Dans leurs performances scéniques, High Rise se distingue très nettement de n"importe quel groupe de rock basique où tout est bien maîtrisé et exécuté sans faute, puisqu"il est la représentation typique du groupe "accidentel". Aucun titre, par exemple, n"est rejoué de la même façon, certains phrasés de Narita étant toujours laissés à l"improvisation. Narita : "Everyone usually prepares their solos to a certain extent, they basically know what phrases they"re going to play. I"m not like that at all. Of course I play something close to chords, but I never know what phrases I"ll play. They"ve just things that come out there and then. We"re a live band, so that"s most interesting about us, isn"t it ?". Malgré quelques divergences d"opinion entre Nanjo et Narita, différences qui peuvent s"observer au niveau de la production (nanjo ayant produit le premier album et Narita le 2 et Dispersion), les deux co-leaders ont su encore se démarquer des autres groupes dans leur concept de composition, conférant indéniablement une place à part à leur statut de Heavy-Psychedelic-Rock"n"Roll band. Nanjo : "When we rehearse it"s not to polish the quality of the composition of the songs. We play because we have to. But it comes down to which is better. Most japanese bands perfect theur songs in rehearsal and they just simply play them live. I don"t like that kind of band, no matter how perfect their songs may be. High Rise don"t compose as they go along. We have certain things that we want to put into the sound, so we rehearse - but we rehearse unconsciously without any songs". Donc dès le départ, High Rise imposera tout de suite son nom sur le territoire japonais. Leur présence sur la compilation d"Alchemy Renkinjitsu (1985), label d"Osaka, autre grand pôle de l"époque des musiques indépendantes, le confirme (PSF étant un label de Tokyo). Mais également aux USA, un peu plus tard, où High Rise sera pris en considération (même si celle-ci est malhonnête) par l"édition pirate du premier album, sans y avoir jamais mis les pieds à l"époque. Enfin avec un peu de recul, on est forcé de constater que la musique de High Rise a largement transcendé le genre si l"on évoque les comparaisons clichés avec leurs prédécesseurs du MC5, Blue Cheer, Stooges (pour n"en citer que quelques uns), et ceci est dû à leur excès ! Ces excès qui reflètent d"une certaine manière, notre comportement d"aujourd"hui dans ces villes modernes, urbaines et capitalistes, où tout s"organise autour du toujours plus, du franchissements des limites, du dépassement de soi. FRACTAL (janvier 1999).

NB (1): Source : les extraits de Nanjo et de Narita sont issus des deux très longues interviews faites par Alan Cummings (publiées à l"origine dans G-Modern, le magazine de PSF/Modern Music - écrit tout en nippon) et traduit par lui pour le journal Opprobrium Nr.3 (11/96) et Nr.4 (12/97).
NB (2) : Koji Shimura est aujourd"hui le nouveau batteur de High Rise (Shoji Hano ayant quitté le groupe au cours de l"année 1999).

Discographie

HIGH RISE :

- 1 LP (PSF) 1984.
- 2 LP (PSF) 1986, CD (PSF) 1993 réédition, CD/LP (Squealer Music) 1998 réédition.
- Dispersion CD (PSF) 1992, CD/2LP (Squealer Music) 1998 réédition.
- Live CD (PSF) 1994, CD/2LP (Squealer Music) 1999 réédition.
- Disallow CD (PSF) 1996, CD/LP (Squealer Music) 1999 réédition.
- Psychedelic Speed Freaks ®84-"85 CD/LP (Time Bomb) 1997.
- Desperado CD (PSF) 1998.
- Durophet LP/CD (Fractal) 1999.
- Speed Free Sonic CD (Paratactile) 1999
- Psychobomb CD (PSF-124) 2001
- Destination (Best of)” CD (PSF 8011 / Tokuma 77105) 2002

Compilations :
- Dead Tech Sampler LP (Dossier)
- Renkinjitsu LP (Alchemy)
- Alchemism CD (Alchemy / Wechselbalg)
- Tokyo Flashback 2 CD (PSF)
- Tokyo Flashback 4 CD (PSF)
- Cosmic Kurushi Monsters 2CD (Virgin)
- Live from the devil"s triangle Vol. 2 2CD (KFJC 89.7 FM)


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